Christian Viguié, né en 1960 à Decazeville, vit près de Limoges.
Nature morte avec page blanche, ombre et corbeau, L’Ail des ours, 2023.

« Quelque fois se cacher au centre », c’est de ce centre dans le premier vers du recueil « avec une simple plume » que nous viennent ces poèmes. S’y rencontrent le dedans et le dehors, une feuille ou une simple pensée qui pourraient mutuellement s’interférer (« comment peut jouer / l’ombre d’une branche / sur ma pensée »).
L’auteur nous convie au cheminement d’une méditation qui vagabonde, musarde sur un territoire où se retrouvent la réalité avec les mots qui la désignent. « J’ai besoin de cette idiotie / pour commencer avec les choses / juste pour être ce brin d’herbe / ou l’odeur d’une bête » nous expose le départ de sa démarche. Il déambule ainsi, écrit-il, « juste pour me retrouver / et me perdre », nous invite à l’ivresse ou à l’éveil, s’interrogeant à la manière d’un koan bouddhiste « sur ce que peut être l’ombre / d’une ombre » ou le poème qui le devient parce qu’il ne veut plus être poème. « la réalité / ne demande rien / à personne » mais la pensée a besoin des présences matérielles du couteau et du héron pour exister. Un papillon posé « sur le bord d’une phrase » est réaliste, le paradoxe est dans le fait que le papillon le désire. L’itération du mot peut-être dans un poème s’entend non comme expression d’une indétermination mais plutôt comme affirmation de ce qui peut être dans le poème inventé « pour changer le monde ».
L’Ail des ours, 2023.