Nora Attala

Née au Caire, d’origine gréco-libanaise et franco géorgienne, Nora Attala vit au Québec.

La révolte des pierres, Écrits des forges, 2022.

Dans ce recueil en quatre parties, le propos donne à voir en touches brèves des champs de dévastation autant extérieurs qu’intérieurs. Il est adressé au nom d’un nous collectif ou d’un on impersonnel. Le minéral, pierre, gravier, rocaille, caillou, caillasse, galet, est à la fois témoin, fatal oppresseur des corps étouffés par « l’épaisseur tumulaire », brutalisés par le « dur des cailloux » et victime captive du « béton strié de blessures ». Il est en même temps détenteur d’un silence à opposer au « …brouhaha des guerres / des noces les plus barbares » et source d’un secours possible (« vienne l’aumône d’une parcelle pierreuse / pour étancher nos soifs de printemps »).
Que faire dans un monde où « d’un côté les hommes battent leur coulpe / de l’autre s’entredévorent dans l’arène »? Le discours se déroule en vagues de poèmes qui nous disent la brutalité du monde que nous entretenons, avoue l’impuissance à s’y opposer (« les prières ne rivalisent pas / avec l’intransigeance du mal // demain viendra-t-il »), dénonce notre imprévoyante passivité (« nous restons endormis / sans présager des guerres / conduisant tout droit à la déraison ») et nous exhorte (« faisons violence aux cataractes avec les armes de l’enfance »). C’est le discours d’une poète-guerrière qui ne craint pas de formuler ses doute et nous livre dans le dernier vers du recueil une raison de refuser de croire « à l’insurmontable »:
« soudain déborde / la révolte innommée ».

Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture & mise en son: Jacques Vincent.

Laurent Albarracin

Laurent Albarracin, né en 1970, vit en Corrèze où il anime les éditions « Le cadran ligné ».

Si étant faux, L’Étoile des limites, 2022.

Un postulat (où si est adverbe et note de musique quand faux est adjectif autant qu’outil agricole) nous fait entrer dans ce poème. Commence alors la lecture d’un texte qui s’écoule « dans un charroi / de rivière / parallèle » dont l’auteur veille paradoxalement à « tenir le cap / relâché / courir le risque / caracolé », laissant le mot devancer le sens tandis qu’ « à l’arrière roule / la raison-balai ». Laurent Albarracin laisse flotter la langue en jeux de mots, détournements (« puisque / puisque / rage »), remplacement d’un mot par un paronyme (« lacère / par d’autres moyeux »), allitérations (« la pelle / boutant / sur de durs dehors »), chiasmes et néologismes (« les fleurs / boivent les lèvres // à moins qu’elles ne lèvrent leurs bu »), indifférenciation des sens propre et figuré (« comme si l’on / jetait son dévolu / par la fenêtre »), métaphores surprenantes (« avec de grands airs / de linoléum / soupirant »), définitions farfelues (« susciter c’est / sucer les pis / de l’absence ») et toutes figures souvent porteuses d’un humour latent  qui jaillit parfois en rire au hasard d’un détournement (« quand bien même / une taloche jamais / ne gâchera le hasard »).
Des stances brèves en distiques, tercets, quatrains et même un quintile sonnant comme des proverbes font avancer ce texte (parfois méta-texte) en saccades qui s’achèvent sur une définition énigmatique aux allures de contrepèterie (« si étant / la règle / dentée / de soute »).

Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture & mise en son: Jacques Vincent.