Andrée Chedid

« Rythmes », éditions Poésie / Gallimard, 2018.

Andrée Chedid née en 1920 au Caire, vécut au Liban puis à Paris où elle meurt en 2011.
« Tout débuta / Dans l’arythmie / Le chaos », les trois premiers vers de ce recueil désignent ce Tout de l’oiseau à l’homme qui « inventa la fable » et « La parole / [qui] Nous entraîne / Vers nulle part / Vers partout ». Ce livre est composé de sept ensembles dont le premier, éponyme du titre, est reformulation d’une Génèse qui, à l’instar de la poésie, s’origine dans le rythme. Il recueille les écrits d’une femme qui, sans hâte, « [s’]acclimate / À l’immanence / De la nuit », embrasse et célèbre la vie dans sa totalité, accueillant généreusement « l’instant / Tantôt ennemi / Tantôt ami », la vie qui « S’invente loin des horloges / Des usages des saisons ».
Hors de tout mysticisme, animée par une insatiable soif de sens, ses mots nous invitent à considérer dans un même mouvement la finitude et l’infini. « Je n’ai plus d’âge / Je suis au présent / Je vise l’inexploré », ces poèmes sont l’expression d’une jeunesse éternelle qui n’a de cesse de poser des questions et de s’émerveiller, « Jamais de fin / À nos émerveillements ».

Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture & mise en son: Jacques Vincent.

Grégory Rateau

« Conspiration du réel », éditions Unicité, 2022.

Les personnages, les territoires, les quartiers, les villes avec lesquels l’auteur entre en empathie par l’écriture, forment autant de paysages intérieurs, de portraits de l’auteur lui-même. Nomade (« Je trace depuis toujours mon sillon / le plus loin possible / du lieu-dit / Celui de ma naissance »), aventurier même (« Traverser les terres incultes / me perdre dans les horizons blafards »), conduit par un idéal de la poésie, il invoque Rimbaud en prière (« Embarque-nous dans tes soirs bleus d’été »), convoque Pessoa parmi d’autres citations mais en se qualifiant lui-même de « Rastignac du pauvre », il n’en fait pas moins preuve d’une salutaire lucidité. Si les poèmes de ce recueil sont l’expression d’une révolte face à la brutalité du monde, l’un d’eux, Loin, dans ses dernières lignes, ouvre sur l’inattendu qui rend possible l’apaisement (« Soudain / un piano isolé dans sa mansarde / Mahler, Satie… / un musicien ami / je réponds en jouant des doigts sur un banc / Partition inédite / L’espoir à réinventer »).

Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture et mise en son: Jacques Vincent.