Miguel Àngel Real

« Les rébellions inutiles », éditions Douro, 2022.

Poète et traducteur, Miguel Àngel Real, né en Espagne, vit et travaille en Bretagne.
Cet ensemble de 100 poèmes en prose qui rendent compte de faits et de mouvements intérieurs mis en résonance par le monde extérieur, est suivi de Quelques comparaisons inutiles, ensemble de 20 poèmes.
« Les mots dans un chaudron de sorcière » s’associent, se frottent les uns aux autres pour amener des évocations autobiographiques (« Je n’aurai plus le courage de respirer à nouveau les vapeurs du soufre »), des mises en scène teintées d’autodérision, des phrases manifestes qui peuvent aussi être élevées en règle de vie (« Il faut rester proches, écouter sans règles ni contraintes… »), des pensées qui prennent quelque fois formes d’aphorismes ou des proses aux allures de Haïkus.
Les mots comme attente, premier du recueil, au « bruit plus fort que celui de la révolte », et patience y reviennent plusieurs fois dans une écriture porteuse d’images qui étonnent, certaines mystérieuses, d’autres teintées d’humour pince-sans-rire, écriture qui doit peut-être sa fluidité à une obstination à « gratter le tarmac pour s’envoler ».

Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture et mise en son: Jacques Vincent.

Albertine Benedetto

« Sous le signe des oiseaux », éditions L’Ail des ours, 2021.

Albertine Benedetto qui vit à Hyère reçut le prix Jean Follain en 2018 pour son livre « Le présent des bêtes » (éditions Al Manar, 2016).
Ce recueil ponctué de quelques vifs dessins au pinceau encré de Renaud Allirand est une promenade dans un paysage de mouvements et de sons où « les oiseaux ordonnent le matin / d’un écheveau subtil / que l’oreille démêle peu à peu / sourde à tous les autres sons ». J’ai lu ces poèmes comme des lettres que m’aurait adressées Albertine Benedetto depuis les espaces qu’elle parcourt en suivant la « cartographie » du chant des oiseaux.
Si paraissent quelques considérations sur nos indélicatesses de « Prométhées de pacotille » ou d’ « ogres / prêts à ingérer / la terre entière », l’auteur se laisse traverser, s’abandonne à ces paysages sonores et mouvants, aux chants « sur l’envers de la nuit » et « ainsi le souffle du poème / secoue / l’ombre collée à nos souliers ».

Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture et mise en son: Jacques Vincent.

Étienne Faure

Vol en V, éditions Gallimard, 2022.

« C’est à pied, pas à pas qu’on mesure / l’exactitude des souvenirs… »
Tous les poèmes de ce recueil, s’ils font partie d’un ensemble différent ont en commun leur forme: une longue phrase cheminant ligne par ligne qui s’achève sur un point final suivi d’un titre en italiques posé non comme un départ mais comme un retour, un atterrissage.
« En traversant la rue de Prague à Paris / m’est revenu le souvenir d’un hiver / arpenté à pas de loup sur la neige, vieux tissu / issue d’un temps où l’Europe était muette, / cousue en un grand damassé de langues, »
Le regard ambulant de l’auteur voyage par glissements analogiques à travers territoires et saisons de la mémoire dont l’écriture rend compte avec minutie. Si « passer c’est penser à la vitesse des pas », Étienne Faure s’applique à « noter la phrase avant qu’elle s’envole » pour la donner en partage au lecteur, invite à éprouver une respiration incitant à « ralentir le pas pour voir plus de choses ».

Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture & mise en son: Jacques Vincent.