Né en 1949, Yves Prié poète est aussi l’éditeur imprimeur de Folle-Avoine.
Les âmes errantes, éditions l’Arbre, 2022.

Le poète convoque ici deux récits, l’un biblique : la lutte de Jacob, conduit par « des lumières trompeuses qu’il avait inventées », avec l’Ange qu’il combattit une nuit entière au passage d’un gué; l’autre mythologique: Orion, chasseur géant cheminant vers Hélios qui, selon une prédiction, lui rendrait la vue qui lui avait été retirée. Ces deux récits, que se sont aussi approprié les peintres, portent en commun les thèmes de la lutte, de la blessure et du franchissement de l’aube. L’auteur nous inclut dans ce combat que « nous partageons » et qui « nous porte au-delà de nous-même ». Si je peux y entendre une métaphore du travail créatif, j’entends aussi le travail de création de soi-même que chacun, « barque sans rame », se doit à soi-même, ignorant de qui il rencontrera à l’issue de cette « Nuit indécise »: « Orion / abandonné à son destin / nous révèle à nous-même ». Pour « Nous [qui] ne sommes que poussière / dans le silence », la seule certitude est « d’avoir été là / où le destin / signe notre histoire ».
Yves Prié se tourne vers ces récits anciens pour « redonner au conflit / son poids d’avenir ». La lutte intérieure est le combat vers la question posée à l’Ange par Jacob: « Qui est l’autre », l’autre contre lequel il s’ « abandonne / à un combat / sans avenir ». Qui est cet autre que n’a pas nommé Rimbaud?
« Ni vainqueurs / ni vaincus » à ce combat qui ressemble à une danse. « À l’instant où la flèche / avoue son échec / nous inventons de nouvelles salves » chantent les âmes errantes des vaincus.
lecture & mise en son: Jacques Vincent.
