Estelle Fenzy, est née dans les Hauts de France où elle a grandi.
N’oublie pas, L’Ail des ours, 2024.

Ce recueil adressé à la mère de l’autrice atteinte de démence est le journal d’un accompagnement. Les poèmes brefs et lumineux relatent au présent une succession de moments qui tous appartiennent à ce temps suspendu qui nous advient lorsque nos parents sont en fin de vie.
L’appartement laissé vide avec ses odeurs et ses objets familiers (« Avant de partir / je prends tes roses / en photo ») et l’évocation du départ vers l’institution, la « chambre 46 » et le « ballet des fauteuils roulants ». Viennent ensuite la mélancolie et l’angoisse des visites quand « Le ciel crache des cendres », l’écoute d’une « langue nouvelle / mystérieuse » qui recoud les bribes d’une mémoire devenue atemporelle. Pages après pages, l’autrice tente de recréer une chronologie en forme d’effeuillage. Parfois « le temps trébuché / reprend appui pour / un instant / dans nos regards » et à la question « Est-ce vivre encore / quand on est déjà plus / que le souvenir de soi-même » répond deux pages plus loin ce dialogue, moment de grâce : « Tu m’as dit / vous êtes qui / et puis / bonjour Espace ».
Dans les dernières pages reviennent les sensations, les gestes, les odeurs d’autrefois qui restaurent « ce corps presque / mort » jusqu’à la lucide évidence : « Je n’ai pas fini d’être ton enfant ».
