Dominique Sorrente

Né en 1953, Dominique Sorrente vit à Marseille mais reste attaché au rivage sud vendéen.

Ici ne tient jamais en place, Voix d’encre, 2022.

« J’accueille. Je me transforme en piste d’atterrissage pour des débris de météorites mentales qui peut-être, après le tamis du travail diurne, forment des pierres debout sculptées, des silhouettes en vibration. Autrement appelées des poèmes. » Ainsi en liminaire Dominique Sorrente nous livre-t-il sa méthode.
Les textes que recèle ce recueil sont habités par les vents et la rumeur de l’océan. Chaque poème est une fenêtre ouverte qui réinvente le temps et l’espace, le proche, le lointain, le « pur instant » et l’éternité joints dans une commune respiration.
Conduit par « l’ébriété de vivre », l’auteur nous fait goûter la saveur particulière de ce qui « se détrame », se métamorphose, « tout (ce qui) commence toujours ». En homme émerveillé il nous invite à « un moment / exilé de l’éternité / et que le monde bannit », où le précaire, « en gestes de hasard » acquiert force d’étonnement.
Ces pages rythmées par les peintures de Anne Slacik sont encore vibrantes des lointains frissons de l’enfance de ce monde.

Dominique Sorrente, Ici ne tient jamais en place, Voix d’encre, 2022.

Élize Ducange

Élize Ducange qui est aussi plasticienne vit en Bretagne.

Juste à moitié dévorée, éditions Goater, 2021.

« Les ogres dans les histoires sont terribles, / surtout ceux qui laissent les petits enfants à moitié dévorés ».
Ce long poème est le témoignage d’une femme qui fut une enfant victime des pratiques incestueuses d’un oncle. L’écriture sans concession va à l’essentiel, elle progresse par fragments de vers et de proses qui assemblent leurs voix pour braver le silence familial.
« Écrire et dessiner pour avancer, voir ce chemin se tracer mot à mot »: de page en page les mots dessinent des blancs et se bâtit une architecture émouvante et maîtrisée. « Telle Isis aujourd’hui je suis en quête, de me rassembler » écrit-elle. Ainsi se reconstruit l’estime d’elle-même.
C’est le moyen qu’elle a trouvé de « dire sans être impudique », de sortir du silence et de l’assignation à « ne pas déranger », elle, « la méchante fille », qui était «  la cause » et « la conséquence, / trop jolie qu’ils disaient ». Le moyen qu’elle a choisi de « faire un TOUT contre le RIEN ». Contrairement à sa sœur ainée qui devint anorexique avant de se jeter dans le vide et « mourir sans bruit », « la vie est si forte en (elle) qu’elle n’a pas réussi à disparaître ».
Si elle est devenue « maison hantée », ce poème l’exorcise et nous en rend témoins: « je suis donc vivante // et hier, je l’étais aussi ».

Élize Ducange, Juste à moitié dévorée, éditions Goater, 2021.