Annie Le Brun, née à Rennes en 1942, rejoint le mouvement surréaliste en 1963.
Ombre pour ombre, Poésie / Gallimard, 2024.

Le recueil, commencé par la séquence « sur le champ », s’ordonne en dix séquences, dix séries, chacune adoptant une forme différente. Le propos se déploie en écriture automatique, lyrisme à flot continu « À la recherche du feu », en constants mouvements d’une « pensée diagonale ». « Tous les points de départ étaient bons pour engendrer l’imaginaire trajectoire vers des points d’arrivée qui n’existent pas ». Sur des lignes brisées d’inattendus, d’incongruités nous conduisent ces « voyages [qui] commencent avec les accidents ». Le calembour y trouve aussi sa place (« un homme de main enlace une Ève en taille »).
Je lis ces textes comme un paysage qui défile dans la fenêtre d’un train. Me sont alors délivrés des « éclats de sens ». Ces mots sont à lire « avec des yeux de trois ans » qui découvrent la langue, il émanent d’un « désir en liberté ». « Tout nous appartient et nous ne nous appartenons pas », un inconscient plus vaste nous précède. « Mais qui parle alors? », la réponse à la question est dans « les champs à perte de vue [qui] seront aussi des lits à notre mesure ».