Né en 1959, François Graveline partage sa vie entre le Puy-de-Dôme et la côte landaise.
La lette, L’Étoile des limites, 2021.

« Au commencement fut une bande de sable ponctuée de touffes d’herbes, une steppe étroite séparant la forêt des Landes de la dune atlantique, la lette. ». Un commencement donc, ce creux, lieu initial et initiatique pour un enfant solitaire qui venait faire ses « premiers pas sur une autre rive du monde ». Bravant les moqueries, il s’affirme « letton » parmi d’autres lettons, des « amiginaires », « des acrobates du verbe, des disciples improbables, des semeurs de belle aventure » qui lui viennent avec la poésie. « J’ai cru que la poésie / était l’autre rivage // je le crois encore // j’écris toujours le blanc des mots », l’autre rivage qu’il contemple depuis « une grange isolée » qui lui était « un embarcadère ». Cette façon de dire « oui » qu’a l’enfant habité par tant de voix inquiète les parents qui l’écartent de la lette: « On m’ôta mon visage, on m’offrit un masque. On m’enseigna des formules pour ne rien dire, être le moins possible ». Exilé de la lette, il découvre un « garage lointain » d’où émanait une odeur qu’il identifia « comme étant l’odeur du néant. « Face au néant (écrit-il) / je n’ai d’arme que le feu d’être // et la lette pour horizon ».
« Mes mots voient ton visage »: les dernières lignes s’adressent au lecteur qui n’est plus « amiginaire » à qui donner sa propre voix mais l’autre qui n’habite pas cette vallée « entre deux mondes » et à qui il peut écrire « enfin, nous sommes ».