Étienne Paulin

Étienne Paulin, né à Angers en 1977, vit dans le Finistère.

Poèmes pour enfants seuls, Gallimard, 2023.

De ce recueil en quatre parties (Fin du trésor, Province, Terrain d’étourderie, Ariel) « en marche vers le pli du jour », le premier vers, débute sur un élan et une musique, « le timbre des oiseaux », qui accompagne le mouvement de brefs poèmes composés en minuscules avec de rares ponctuations. Des tableaux, des sensations, des scènes, des fragments de biographie détachés du tissu de la mémoire viennent activer le silence des pages, me faire entendre que pour moi aussi « il existe un hangar où le temps se repose » et que reconnaît les rêveries de l’enfant seul que chacun et chacune porte toujours en soi. « quarante habits dans la forêt / quelqu’un répand de la beauté », certains poèmes sonnent comme des comptines.
Comme souvent dans les recueils, je trouve ici en page 82 Dernière offre, poème pivot qui m’aide à accueillir l’énigme de l’ensemble en guidant mes relectures: « la poésie / que l’on surprend au fond de la boutique / derrière la réserve / par-dessus l’extincteur et sous les vies vécues / les destins politiques les drames romancés // horizons cornés / ciels à la va-vite / — comme si vous y étiez: venez voir / on ne paie qu’en sortant ».
La poésie que l’on surprend: ce basculement me ravit.

Étienne Paulin, « Poèmes pour enfants seuls », Gallimard, 2023.

Sophie Loizeau

Sophie Loizeau, née en 1966 vit à Versailles.

Leur nom indien, Rehauts, 2020.

« Leur nom indien », récit en prose sous-titré poésie-fiction, nous fait entrer dans une intimité d’où émane une lumineuse sincérité. Le personnage central est Lys par qui on rencontre, révélés peu à peu dans le bain de l’écriture, sa fille Buddleia, If, son compagnon, Troëne un ancien amant (bref passage en rêve), Mélèze le père de Buddleia, sa mère, son père et sa sœur à elle. Le texte se déploie en vingt six chapitres qui vont de -5 à 0, relatant la période du décès de la mère de Lys, puis de 1 à 20 sur la période du deuil. Des temps vécus au ralenti par cette « petite scribe » qui va, carnet et stylo en poche, « chercher la vie à sa source ». Les gestes et les lieux familiers (des toponymes aux noms signifiants), la nature, ses lectures, les événements du quotidien, « l’océan premier en tout », ses pensées, ses rêves, ses rêveries, ses apparitions, avec « Quelques joies arrachées de haute lutte au quotidien » forment un sol qui nourrit Lys. Elle « se gave, se morfale d’air, de mer, de sensations ». Le monde se fond en elle, elle se fond au monde où choses et êtres se confondent: « Le tapis chinois, la tapisserie, les Sèvres, la vitrine à figurines et à bibelots, (…), sa mère est ce décor ».
Le temps presque immobile la conduit à « redevenir miséricordieuse à soi-même. À l’état liquide, à peine contenue, à débordement, à écrire. Avec homme et enfant non loin. La plus belle des vies », le récit s’achève sur un « pont japonais au-dessus de grands nénuphars ».

Sophie Loizeau, « Leur nom indien », éditions Rehauts, 2020