Céline De-Saër

Céline De-Saër, diplômée en lettres modernes, formatrice, anime des ateliers d’écriture.

La veine des étoiles phonétiques, Atelier de l’agneau, 2024.

« Pus ou moins obéir à ce qui est interdit / Le désert en ligne de mire derrière nous, / la mer en ligne de mire devant nous. ».
Ce qui est écrit dans l’espace et le temps entre les deux, ce long poème est le voyage même. Voyage en pays intérieur à l’écoute des voix invisibles dans la matière de la nuit, accompli les yeux fermés pour mieux voir, dirigé vers « cet autre côté de la nuit ». L’écriture m’évoque l’ascension d’une paroi dans une économie du souffle où chaque mot, chaque syntagme est un prise conquise vers « La langue bleue des étoiles ».
« Je continue à tenter ce que je sais perdu » écrit-elle dans un questionnement métaphysique. Il y a la mort, la perte, le « mal à la tête dans le ventre » mais la détermination et le courage ne cèdent à la plainte pas plus qu’à l’âpreté de la route et aux séductions du lyrisme, même si « Il manquera toujours les mots des autres mots: / ceux qui n’existent pas ».

Céline De-Saër, La veine des étoiles phonétiques, Atelier de l’agneau, 2024.

Éric Desordre

Éric Desordre est originaire de Toulouse où il vit.

Le feu au gorille, éditions Unicité, 2021.

«  C’est pourtant bien d’une aventure qu’il s’agit, avec ses rencontres qui ne doivent rien au hasard, ses séquences obligées, son déroulement espéré. On y retrouve les délices de l’enfance et la quête métaphysique de la maturité. ». Ces premières phrases de l’ouvrage guideront la lecture.
Le recueil se compose de cinq parties titrées Hommes, bêtes, Arbres, Nourritures, Dieux: une tentative de mettre quelque ordre dans le monde visible et invisible en s’en tenant à l’essentiel. Un des rôles qui pourrait être dévolu à la poésie. Chaque ensemble est annoncé par une photographie prise par l’auteur d’un fragment de la matière du monde suivie de pavés de prose en italique, extraits de journaux de bord, qui relatent, décrivent, se déploient en pensées et qui précèdent des digressions de poèmes en vers libres pour « Un bout de chemin ensemble ». L’écriture de ces derniers est surtout une écriture de l’œil, de ses déplacements, le verbe en est souvent absent. « Chemise blanche à manches courtes pantalon noir / Cintré / Aux pattes étroites / Pipe / Plantes / Eaux bruissantes ». Les ellipses convoquent notre imaginaire. Sont véhiculés sans débordement des fragments de réalité mais aussi de mémoire, d’anciennes émotions. Les tableaux se succèdent, scènes de voyages, conversations, paysages, rencontres, portraits, avec humour parfois et auto-dérision. Le dernier poème, portrait de Hanuman, touchante divinité du panthéon hindouiste à l’apparence d’un singe, s’achève par une citation d’un proverbe hindou: « les singes ne pleurent jamais sur eux-mêmes / Il pleurent sur les autres ».

Éric Desordre, Le feu au gorille, éditions Unicité, 2021.

Ariel Spiegler

Ariel Spiegler est née en 1986 à São Paulo.

Le mélange de l’eau, éditions Corlevour, 2023.

« La radio grésille dans la voiture / une pluie battante s’écroule sur le pare-brise ». Passager dans le confort de l’habitacle, je me laisse conduire de poème en poème. Les mots qui me sont parfois adressés (« Tu te souviens de ce que ça fait / La sensation du sel et du vent ») sont si légers qu’il semblent flotter au-dessus des pages. L’écriture les dépose en pétales de confidences, sans les contraindre laissant de l’air circuler entre les lignes. Si les vers sont libres, la fréquence des octosyllabes fait entendre leur musique. lls sont sans ponctuation, sinon quelques points d’interrogation, et débutent avec une majuscule comme si chacun avait de surcroît la liberté d’être commencement d’un nouveau poème. Ils dévoilent le potentiel poétique de « cette vie si mélangée », sa « Beauté aux dents de travers ».
Le recueil est construit en deux parties séparées par une citation d’un sonnet de Shakespeare relative à l’amour. Derrière ces « mots ou brins de mousse » qu’Ariel Spiegler nous confie avec sincérité, derrière l’humour aussi se laisse deviner quelque blessure initiale (« Beau visage où l’on a caché / Petit écureuil n’avait rien compris / Au coin d’un bois ne dit rien de sa douleur »).

Ariel Spiegler Le mélange de l’eau, éditions Corlevour, 2023.