Ariel Spiegler

Née en 1986 à São Paulo, Ariel Spiegler vit dans le Finistère.

Le cycle des pigeons, éditions des compagnons d’humanité, 2023.

Les poèmes de ce petit recueil se mêlent aux déambulations des piétons familiers que sont les pigeons de ville. Des évocations citadines qui donnent en partage le gris des rues, irisé de verts, de mauves, de violets.
« Je me souviens de ta chambre au septième étage / De ce café soluble au goût fumé / De la petite lampe sur la table ». Les souvenirs évoqués nous sont familiers et laissent « Comme le silence de quelqu’un / À l’instant parti ». L’écriture au présent et les descriptions de lieux ou de scènes dé-contextualisés autorisent nos mémoires à s’égarer comme « au hasard des plans / Dans un film de Truffaut ». Le détective au chapeau mou rencontré en page 22 est-il celui qui engagea le jeune Antoine Doinel dans Baisers volés?
Le gris d’autrefois nous fut celui des jours ordinaires « Mais on aimait / On aimait d’amour et sans le savoir / Ces familiarités de l’escalier qui craque / Et la grisaille dans les arbres ».

Ariel Spiegler, Le cycle des pigeons, éditions des compagnons d’humanité, 2023.

Jacques Vincent

Né à Nîmes en 1950, Jacques Vincent vit à Douarnenez.

Mémographies, éditions Henry, 2024.

Jacques Vincent aime jouer. Ce recueil nous le rappelle dès son titre qui convoque la mémoire, mais nous prévient que la matière de son livre est un roman. Décidément, les frontières sont ténues, à commencer par celles qui voudraient distinguer invention et fidélité, fiction et réalité.
L’auteur le sait bien : un poème ne fait que réécrire. L’écriture première est passée, vague, lointaine. Tout ce que nous pouvons faire, c’est tamiser les mots avec nos souvenirs dans l’espoir de saisir, sans la moindre certitude, une ou deux bribes de ce que nous avons vécu.
Les mots de Mémographies (Roman) sont simples, presque banals, obstinément fidèles à ce vers de Jacques Réda dans son recueil La Tourne :
« Ce que j’ai voulu c’est garder les mots de tout le monde »
C’est à partir de ce matériau – aussi pauvre qu’illimité – que le poète, avec patience et humilité, tisse ses poèmes. La plupart sont courts et tirent justement leur grâce de leur économie, de ce qu’ils taisent. Rien de trop ici, et l’impact, le mystère n’en sont que plus vifs. Jacques Vincent parvient à rendre universels des souvenirs qui n’appartiennent qu’à lui ; seule la poésie peut à mon sens accomplir ce genre de miracle.

Étienne Paulin

Jacques Vincent, Mémographies, éditions Henry, 2024.