Emmanuel Moses

« Le voyageur amoureux », éditions Al Manar, 2014.
Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

Le voyageur amoureux 1

Né en 1959 à Casablanca, petite enfance à Paris puis en Israël, en 1986 Emmanuel Moses revient en France où il vit aujourd’hui.
« Qu’on se le dise » : le recueil commence par une proclamation, une annonce de bateleur et comme l’indique le titre, il y sera question d’amour, d’un amour adressé parfois mais surtout d’un état d’amour du monde et de ses phénomènes.
Dans ces hymnes il arrive d’entendre des fragments de paraboles (« L’enfant demande à son père: c’est encore loin » ) ou de prophétie (« Heureux celui qui a vu la pleine lune au-dessus de la ville plantée comme un drapeau / Comme une échelle vers le monde du rêve ou de l’esprit »).
« Le monde apparaît et disparaît autour de moi / J’apparais et disparais au milieu de lui / Je suis pourtant ancré au milieu du monde » : planté en terre, le poète nous fait la courte échelle pour entrevoir « Toute une vie hors du monde », l’au-dedans de la vitre sur laquelle il dessine (« … il n’y a que les enfants et les poètes pour dessiner sur les vitres »). Il n’est pas surprenant de croiser Khayam et Hafez, les deux mystiques persans ou de percevoir des échos du Cantique des cantiques (« Une personne parle de l’âme qui désire son Dieu / Comme le chevreuil désire un cours d’eau ») : ce voyageur, par la vitre du poème me donne à éprouver le monde et à présumer d’un sens à ses phénomènes.

Jacques Vincent

Anne-José Lemonnier

Publié avec l’aimable autorisation d’Anne-José Lemonnier dont la voix s’est jointe à la lecture.

A-J Lemonnier
Éd. Diabase, 2018

Originaire d’Angers, Anne-José Lemonnier, est venue s’installer dans le Finistère au bord de l’océan, à Saint-Nic, entrée de la presqu’île de Crozon, où elle vit aujourd’hui. Elle exerce le métier de bibliothécaire. Le prix Georges Perros lui est attribué en 2005 pour « Falaise de proue ». La plupart de ses ouvrages est publiée aux éditions Rougerie.
Son écriture, en poésie ou en prose, qui laisse entre les lignes la part belle à la contemplation, donne au proche, au familier un goût d’éternité et à l’instant, les couleurs de l’infini : « Le temps a lavé la plage / longue et lisse de temps / qui recommence // […] //Et le mot vœu / laisse à nos lèvres / un goût d’étoile filante ». Dans ces deux stances extraites de « Gueule de poésie », chaque vers est comme une question qui vient frôler les origines avec l’air de ne pas y toucher.
« Un peu de rouille / dans les mots / gagne aussitôt / la feuille / blanche ».
Anne-José partage le présent de ses émerveillements en donnant matérialité aux mots qui les disent. Au-delà de la page, si on côtoie souvent le disparu, c’est dans la légèreté de l’accueil et jamais dans le regret. Lumière et temps y sont indissociables.
« Si ordinaire / le miracle / d’une minute / de jour en plus ».
La lecture enregistrée, sur le fil mélodique de « Polyphonie des saisons » (éditions Diabase, 2018), est aussi composée d’extraits de « Archives de neige », « Falaise de proue », « Gueule de poésie », « Une langue sauvage », « Les portes de la presqu’île » (éditions Rougerie).

Rougerie, 2000