Cécile A. Holdban

Née en 1974, Cécile A. Holdban, poète, peintre et traductrice, co-éditrice de la revue en ligne Ce qui reste, vit à Paris.

Osselets, le Cadran ligné, 2023.

« Observant le labyrinthe / je suis à la fois celui qui le crée / et celui qui s’y perd », fait-elle dire à Minos au début du premier texte. Par les dix titres du recueil, comme parcourant à cloche-pied les cases d’une marelle, Cécile A. Holdban déroule en notes brèves un pensé du monde auquel elle se confie « Comme les arbres se confient au vent / comme l’eau se confie au courant », un pensé du monde dans une écriture à l’essentiel qui nous y relie par le rayonnement des mots: « Les larmes sont salées / pour couler vers la mer / plus vite que les rivières ». Le monde qu’elle nous décrit est un monde animé (doté d’une âme), les vagues y ont des paupières, elles divaguent et dansent, l’ordre des choses peut y être salutairement inversé: « La pierre tombe / à l’envers / pour rejoindre l’oiseau », nous libérant ainsi de nos propres pesanteurs. L’écriture plonge le mot « dans le voile de l’eau », opère rapprochements, glissements, fusionnements qui nous déposent au cœur du « cœur du merle ». L’expérience est sensible, les osselets transmettent à l’intérieur les vibrations du dehors.

Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture & mise en son: Jacques Vincent.

Cécile A. Holdban

« Pierres et berceaux », éditions Potentille, 2021.

Sur un cahier non relié de seize pages, huit poèmes dédiés, redevables, comme l’annonce le premier, au territoire de l’enfance « où jamais la poussière ne se pose ». Comme l’oiseau « perché sur la branche du rien », auquel elle donne la parole, Cécile A. Holdban confectionne un « nid de mots » pour un disparu qu’elle exhorte dans le dernier poème: « dors du sommeil vert d’où un jour tout revient ». Pierres et berceaux, des masses pleines (« ceci est la réalité »), et des creux prêts à accueillir ce qui sera, sont reliés par la conjonction de coordination mais aussi par l’allitération. Dans le poème éponyme du titre elle en appelle au lecteur: « Suis-je seule à m’agiter / enfermée, vociférant / dans le corps irréel du poème? ». L’écriture interroge son rapport au réel mais quand elle « plante des mots pour pousser », les pierres sont « prêtes à exploser ».

Musique Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture & mise en son: Jacques Vincent.

Cécile A. Holdban

« L’été », éditions Al Manar,  2017.

Lu par les Louiseuses : Stéphane Carn, Elen Le Trocquer & Bénédicte Maillard au café-librairie l’Ivraie. Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Cécile A. Holdban, « L’été » 2

«  Je te prends par la main / nous traversons le jour trop clair, l’abreuvoir, les volets /de bois, la robe de fillette / et tu deviens qui je suis ». Dans le première partie qui donne son titre à l’ouvrage, je me plais à considérer que c’est l’été lui-même qui s’incarne dans ce « je » et s’adresse à l’autrice.
« j’avais une faim de bois, / de chevreuil, de course et d’aubier / et les forêts naissaient au galop de mon souffle ».
L’attitude contemplative et l’attention flottante qui guide l’écriture autorise toutes les métamorphoses : « pour extraire la douleur / terrée au fond de la gorge / on peut se transformer en ville côtière / aux ruelles étroites… ».
Si la saison d’été s’éclate dans ses splendeurs : « je suis en morceau / libre puisque je chante / éparpillée dans le cosmos / fragments de miroir plantés au ciel / les étoiles nous regardent enfin », elle nous rappelle que l’immensité peut aussi prendre soin de nous. Orphée, Dionysos et Osiris sont discrètement convoqués dans cette dernière stance d’un poème qui dit aussi « l’extase des corps transformés en jardins ».
Dans le reste de l’ouvrage, « Destination inconnue » est un recueil de pensées, de portraits, d’hommages et « Santas & Santos » raconte des moments de voyage en Équateur, « pays d’une seule saison ».
Chez Cécile A. Holdban, « l’inlassable langue qui parle » le fait dans la simplicité et l’économie du verbe et le lyrisme qui sonne toujours juste (« je me glisse nue / sous l’écorce de la nuit » ) nous maintient au plus près de l’émotion.
« À la grotte de San Pedro suspendue entre deux abîmes, / on vient à la tombée du soir éprouver le vertige / dans le serpent des torches sinuant vers le ciel, ». La langue ne décrit pas l’espace, elle le crée.