Cécile A. Holdban

« Pierres et berceaux », éditions Potentille, 2021.

Sur un cahier non relié de seize pages, huit poèmes dédiés, redevables, comme l’annonce le premier, au territoire de l’enfance « où jamais la poussière ne se pose ». Comme l’oiseau « perché sur la branche du rien », auquel elle donne la parole, Cécile A. Holdban confectionne un « nid de mots » pour un disparu qu’elle exhorte dans le dernier poème: « dors du sommeil vert d’où un jour tout revient ». Pierres et berceaux, des masses pleines (« ceci est la réalité »), et des creux prêts à accueillir ce qui sera, sont reliés par la conjonction de coordination mais aussi par l’allitération. Dans le poème éponyme du titre elle en appelle au lecteur: « Suis-je seule à m’agiter / enfermée, vociférant / dans le corps irréel du poème? ». L’écriture interroge son rapport au réel mais quand elle « plante des mots pour pousser », les pierres sont « prêtes à exploser ».

Musique Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture & mise en son: Jacques Vincent.

Françoise Louise Demorgny

« Pointillés », éditions Isabelle Sauvage, 2019.
Ces pointillés qui conduisent l’ouvrage invitent à de multiples lectures. Il peut être considéré comme recueil de poèmes en prose, chacun désigné par un mot sans pronom posé comme un point en tête de page. On peut aussi faire défiler les incipit qui surmontent chaque paragraphe, les reliant comme un long poème. Le livre est cependant construit en continuum, une avancée erratique néanmoins conduite par la ténacité d’une enquêtrice qui s’appuie sur des extraits de journaux intimes, bribes de paroles et d’instants remémorés, documents officiels et qui cheminent vers « ces morts, les miens qu’à force de vouloir je ranime / que je dérange dans leur paix éternelle ». On y croise, parmi les membres d’une famille, une tante Pierrette, ses clartés, ses obscurités, l’absence de son fils Roland et le fantôme de Rimbaud qui, comme l’auteur est issu des Ardennes, ce massif que traversent les pointillés d’une frontière. Rimbaud qui sur ses manuscrits, « …use de points de suspension » dont « chacun restitue un geste, un élan, une rage, une retenue, rend un souffle, une humeur oubliée et parle ». Flottantes et discrètes, les paroles de nombreux poètes ponctuent une écriture tout en suspensions où l’air circule si bien entre les lignes, entre les mots.
« il reste aux mots comme aux fougères cette beauté
de feu follet leurs architectures légères » 

Enregistrement publié avec les aimables autorisations de l’auteur et de l’éditeur. Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze.
Lecture et mise en son: Jacques Vincent.

Kristian Keginer

Kristian Keginer, « Controverses de nulle part », éditions Les Hauts-Fonds, 2020.
L’ouvrage ressemble à l’atelier d’un mécanicien. Sur l’établi, étalés avec soin, rouages, pignons, chaines, courroies toutes pièces démontées d’anciens moteurs puis remontées devant nous en poèmes et poèmes anti-manifestes qui font jubiler la langue conquérante. C’est peut-être une manière pour ce poète brittophone qui n’ a plus publié depuis trente ans de prendre distance sur une colère d’autrefois, de donner voix à la blessure ouverte par l’interdiction du parlé breton pour la muer en vive énergie. Manière aussi de déconfiner le propos pour le rendre universel.
« Le poème se constitue / par la destruction totale / de la langue sauf lui […] et la langue se venge / à la fin / elle dit le silence / envahit tout ».

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’éditeur. Musiques: Magali Robergeau & Gérald Méreuze. Lecture & mise en son: Jacques Vincent.