Étienne Paulin

Étienne Paulin, né à Angers en 1977, vit dans le Finistère.

Le Bourriquet Vlan-Vlan, éditions Henry, 2024.

Ce recueil de poèmes en prose s’inscrit dans une tradition littéraire héritière de Dionysos, passant par les fatrasies du moyen-âge, Tristan Tzara, Philippe Soupault, Benjamin Péret, Lewis Carol, Max Jacob, Henri Michaux, Roland Dubillard (pour ne citer qu’eux).
« ça cloche, n’aspire qu’à s’effondrer », nous révèle l’auteur dans Art poétique en page 21. « ça cloche, n’aspire qu’à s’effondrer », et pourtant le poème est là, sur la page, devant moi. Pour le poète qui ignore encore où ses premiers mots vont le conduire, chaque poème est une aventure. Le poète n’est pas « au service d’une autre vérité que celle qui est à découvrir » écrivait Milan Kundera dans L’Art du roman.
Je suis conquis par la liberté prise dans ces lignes qui, semées de graines de déraison, prennent place entre rêve et conscience et ne sont soumises peut-être qu’aux seules raisons de la musique qui les anime. « Alors tout est possible » et si me gagne un élan jubilatoire à la lecture des énonciations saugrenues, des coquecigrues, des allitérations aux allures de virelangues (« le tout fielleux Frédo, le beau-frère »), c’est parce que « On grandit mal, c’est une aubaine ». Pour l’enfant qui s’autorise, « tout peut s’écrire ».

Étienne Paulin, Le Bourriquet Vlan-Vlan, éditions Henry, 2024.

Étienne Paulin

Étienne Paulin, né à Angers en 1977, vit dans le Finistère.

Poèmes pour enfants seuls, Gallimard, 2023.

De ce recueil en quatre parties (Fin du trésor, Province, Terrain d’étourderie, Ariel) « en marche vers le pli du jour », le premier vers, débute sur un élan et une musique, « le timbre des oiseaux », qui accompagne le mouvement de brefs poèmes composés en minuscules avec de rares ponctuations. Des tableaux, des sensations, des scènes, des fragments de biographie détachés du tissu de la mémoire viennent activer le silence des pages, me faire entendre que pour moi aussi « il existe un hangar où le temps se repose » et que reconnaît les rêveries de l’enfant seul que chacun et chacune porte toujours en soi. « quarante habits dans la forêt / quelqu’un répand de la beauté », certains poèmes sonnent comme des comptines.
Comme souvent dans les recueils, je trouve ici en page 82 Dernière offre, poème pivot qui m’aide à accueillir l’énigme de l’ensemble en guidant mes relectures: « la poésie / que l’on surprend au fond de la boutique / derrière la réserve / par-dessus l’extincteur et sous les vies vécues / les destins politiques les drames romancés // horizons cornés / ciels à la va-vite / — comme si vous y étiez: venez voir / on ne paie qu’en sortant ».
La poésie que l’on surprend: ce basculement me ravit.

Étienne Paulin, « Poèmes pour enfants seuls », Gallimard, 2023.

Étienne Paulin

À part leurs titres, rien n’est capital dans ces poèmes qui émergent du blanc comme des respirations. Une pudeur les habite. Ce sont, comme l’indique le titre de celui de la page 39 « des mots sans bruit »:  
 » je ne sais pas ce qu’on y faisait / je me souviens des carrelages // et de l’odeur — ah non / déjà j’invente // pourquoi ce lieu / continue tant // je me souviens des carrelages ».
Minuscules fragments de mémoire, errances dans un espace d’autrefois, les questions mélancoliques annoncées dès le premier poème « sans réponse » (« mon enfance est retenue / dans une espèce de verrière ») se répandent avec douceur (« salve triste », « temps perdu », « mots tombant »,…). Questionnent aussi les vifs surgissements du présent (« j’aime les bruits qu’on entend / très haut dans la ville / si loin qu’on se demande ») qui témoignent d’une disponibilité du poème à l’instant. Disponibilité et vivacité que portent la brièveté (« pas le temps d’une phrase: alors le poème »): une manière certaine de prendre distance avec le malheur. « deux colibris / ont tout vu // et pépient comme si rien »

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur. Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze, lecture & mise en son: Jacques Vincent.