Hélène Sanguinetti

Née à Marseille en 1951, Hélène Sanguinetti vit à Arles.

Jadis, Poïena (une poème), Flammarion, 2025.

« Debout au milieu de la rivière, ce pêcheur déroule la fable du courant, remonte sa propre histoire gonflée de profondeur, si lourde qu’il relance.
Divinités poissons et iris d’eau se partagent les pages capitales. »
Écrit l’autrice dans « Fille de Félicie », deuxième partie de ce livre et réédition d’un ancien texte. Cet art poétique pourrait s’appliquer à l’ensemble de l’ouvrage.
« Jadis, Poïena » commence comme l’Odyssée par l’invocation des Muses. Cette « histoire gonflée de profondeur » nous est délivrée comme un conte chanté par de multiples voix du dedans, dont une intrusive qui vient parfois les couper, quand une voix du dehors, celle de la narratrice s’adresse en prose à Poïena. La mise-en-page est mise-en-scène: parmi les variations typographiques flottent dans les blancs des points qui détournent la lecture sur des sentiers, des figures, comme les signes d’un jeu de piste.
Ces chants n’ont rien de ce qui définit le caractère musical d’un poème (métrique, rime, assonances, …), plutôt s’élancent-ils en lignes souvent brèves (parfois limitées à un mot) au rythme erratique rompu de rejets et accéléré par l’absence fréquente de pronoms (« —Écoutez par le vent, / juillet tremble, plomb / Serre chevilles, soleil fait éclater les yeux »). L’écriture se veut organique (« J’écris dans le noir animal / dans le bleu animal / dans le rouge animal »), faite des frémissements de l’ombre et de la lumière sur des chemins de jadis où nous conduisent les mots.
« Hue les mots! Plus loin encore. » Sont-ils poussés « avant début / d’avant jadis? » Avant même l’élan qui porta les vocables?

Hélène Sanguinetti, Jadis, Poïena (une poème), Flammarion, 2025.

Hélène Sanguinetti

Hélène Sanguinetti, née à Marseille en 1951, vit à Arles.

Domaine des englués, La Lettre volée, 2017.

« Le mal? Vouloir tout. Là. Ensemble. Le tout vibrant, foisonnant, chantant à tue-tête, rebondissant. », cette citation du personnage qui intervient comme narrateur dans ce long poème en dit ce qui l’anime. Distinguées par les choix typographiques, d’autres voix s’y joignent, dans ce qui se déploie à la manière d’un rêve éveillé, qui s’aventure en s’écrivant et avec quel élan! (« Ne pas retenir les chevaux »): une voix intermittente, prisonnière d’un cartouche (engluée?), des chansons, des lignes de poèmes, un conte. Elles accompagnent la prose du narrateur qui adresse des lettres à une femme. S’y adjoignent divers signes typographiques ou arithmétiques, des griffures, des émoticônes… Il y en a pour l’œil autant que pour l’oreille, il y a de l’animal et du minéral, il y a la mer, le vent, le feu, de l’humour aussi et une énorme fringale de vie à l’origine de cette architecture ample et complexe, ce « capharnaüm », où la couleur rouge revient en récurrence.
« CHEVAUX QUI ME BOUSCULENT, M’EMPORTENT, ET LA PAROLE, / ATTACHÉE À LEURS FLANCS, / À LEURS CUISSES QU’UNE SORTE DE FEU FAIT TREMBLER ».
Dans une réponse à une question de Jean-Baptiste Para, en deuxième partie d’ouvrage, Hélène Sanguinetti révèle: « ce n’est pas dans le poème ou la poésie que je crois, c’est dans toute la vie et je n’ai trouvé que cette sorte de poème pour dire cela, le rendre réel ».
Le sujet premier de ce livre est le poème, le poème se vivant en s’écrivant (et en se lisant).

Hélène Sanguinetti, Domaine des englués, La Lettre volée, 2017.

Hélène Sanguinetti

Publié avec l’aimable autorisation d’Hélène sanguinetti.
Hélène Sanguinetti, « Alparegho, Pareil-à-rien », éditions de l’Amandier
Née à Marseille en 1951, Hélène Sanguinetti vit à Arles. Elle est aussi plasticienne.
Écrit dans une langue visuelle autant que sonore, « Alparegho pareil-à- rien » est un long poème incantation réparti en sept chants. Figure approximative que les mains ont fait naître, un nom lui est donné qui le fait exister en une vie possible. « Pareil-à-rien » est son blason. Alors, venu de l’enfance de l’auteure et d’encore en amont de ces mots, un souffle l’anime, Il devient chevalier à armure et bouclier cabossé. Comme un enfant qui s’isole dans son jeu, il fait se rencontrer plusieurs voix.

Jacques Vincent