Extrait de la lecture de novembre 2018 publié avec l’aimable autorisation des éditions Corti http://www.jose-corti.fr/.

Crépuscule d’automne de Julio Cortázar, éditions Corti, traduction de Silvia Baron Supervielle, 2014.
Fils d’un diplomate argentin, Julio Cortázar né en Belgique, passe une partie de sa vie dans la banlieue de Buenos Aires, puis, opposé au péronisme, émigre à Paris en 1951. Employé à l’UNESCO comme traducteur, il accède à la nationalité française en 1981, trois ans avant sa mort. Comme Cesar Vallejo, il est enterré au cimetière Montparnasse.
Surtout connu pour ses nouvelles et ses romans à l’étrange humour, avec Crépuscule d’automne l’auteur compose un recueil testamentaire qui mêle étroitement prose et poésie. Les « poèmes […] comme de vieilles et fidéles photographies » sont regroupés selon un ordre qui ne doit rien à la chronologie mais aux mouvements d’une pensée rêveuse et digressante.
« Et je sais aussi que je suis ce que je rêve et que je rêve ce que je suis ».
Les proses qui accompagnent les poèmes en précisent parfois les circonstances, comme dans le Journal d’hiver du poète japonais Bashó auquel, pour le titre, est empruntée la dernière ligne d’un de ses haïku (« Ô ce chemin / plus personne ne le parcourt / crépuscule d’automne »).
D’autres fois, ces textes sont des commentaires sur la manière dont l’ouvrage se construit. « Je sépare des feuilles de cahiers et de chemises, je jette celles qui ne me disent rien, je joue avec un hasard où le temps et les humeurs bondissent comme les pièces d’un puzzle bouleversé ».
Parfois aussi se glissent des auto-critiques : « …’Glauque gong d’antique grâce’ […] Il faut le faire comme on dit par ici » ou des critiques de Polanco et Calac ces deux doubles de l’auteur.
Les poèmes (méopes, péomes ou prosèmes) quant à eux « …tels qu’ils étaient […] gardaient dans leurs petits bocaux de ludions le noyau le plus personnel qu’il me serait jamais donné d’écrire ». Ils convoquent le banal, le familier, Buenos Aires, les femmes aimées, la mélancolie amoureuse, le double, le temps, l’humour, la mythologie, le tabac, le whisky, etc. et se plaisent souvent à adopter en toute liberté la forme convenue du sonnet.
« …je commence à m’amuser, au moins il n’y aura aucun risque de solennité en tout ceci ». Ce tout ceci, éclairé par le goût du jeu, dessine une manière de récit.