Éric Desordre

Éric Desordre est originaire de Toulouse où il vit.

Le feu au gorille, éditions Unicité, 2021.

«  C’est pourtant bien d’une aventure qu’il s’agit, avec ses rencontres qui ne doivent rien au hasard, ses séquences obligées, son déroulement espéré. On y retrouve les délices de l’enfance et la quête métaphysique de la maturité. ». Ces premières phrases de l’ouvrage guideront la lecture.
Le recueil se compose de cinq parties titrées Hommes, bêtes, Arbres, Nourritures, Dieux: une tentative de mettre quelque ordre dans le monde visible et invisible en s’en tenant à l’essentiel. Un des rôles qui pourrait être dévolu à la poésie. Chaque ensemble est annoncé par une photographie prise par l’auteur d’un fragment de la matière du monde suivie de pavés de prose en italique, extraits de journaux de bord, qui relatent, décrivent, se déploient en pensées et qui précèdent des digressions de poèmes en vers libres pour « Un bout de chemin ensemble ». L’écriture de ces derniers est surtout une écriture de l’œil, de ses déplacements, le verbe en est souvent absent. « Chemise blanche à manches courtes pantalon noir / Cintré / Aux pattes étroites / Pipe / Plantes / Eaux bruissantes ». Les ellipses convoquent notre imaginaire. Sont véhiculés sans débordement des fragments de réalité mais aussi de mémoire, d’anciennes émotions. Les tableaux se succèdent, scènes de voyages, conversations, paysages, rencontres, portraits, avec humour parfois et auto-dérision. Le dernier poème, portrait de Hanuman, touchante divinité du panthéon hindouiste à l’apparence d’un singe, s’achève par une citation d’un proverbe hindou: « les singes ne pleurent jamais sur eux-mêmes / Il pleurent sur les autres ».

Éric Desordre, Le feu au gorille, éditions Unicité, 2021.

Grégory Rateau

Né en 1984 en banlieue parisienne, Grégory Rateau vit aujourd’hui à Bucarest où il anime un média d’informations en ligne*.

« Conspiration du réel », éditions Unicité, 2022.

Les personnages, les territoires, les quartiers, les villes avec lesquels l’auteur entre en empathie par l’écriture, forment autant de paysages intérieurs, de portraits de l’auteur lui-même. Nomade (« Je trace depuis toujours mon sillon / le plus loin possible / du lieu-dit / Celui de ma naissance »), aventurier même (« Traverser les terres incultes / me perdre dans les horizons blafards »), conduit par un idéal de la poésie, il invoque Rimbaud en prière (« Embarque-nous dans tes soirs bleus d’été »), convoque Pessoa parmi d’autres citations mais en se qualifiant lui-même de « Rastignac du pauvre », il n’en fait pas moins preuve d’une salutaire lucidité. Si les poèmes de ce recueil sont l’expression d’une révolte face à la brutalité du monde, l’un d’eux, Loin, dans ses dernières lignes, ouvre sur l’inattendu qui rend possible l’apaisement (« Soudain / un piano isolé dans sa mansarde / Mahler, Satie… / un musicien ami / je réponds en jouant des doigts sur un banc / Partition inédite / L’espoir à réinventer »).
*lepetitjournal.com

Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture et mise en son: Jacques Vincent.

Cécile A. Holdban

« Pierres et berceaux », éditions Potentille, 2021.

Sur un cahier non relié de seize pages, huit poèmes dédiés, redevables, comme l’annonce le premier, au territoire de l’enfance « où jamais la poussière ne se pose ». Comme l’oiseau « perché sur la branche du rien », auquel elle donne la parole, Cécile A. Holdban confectionne un « nid de mots » pour un disparu qu’elle exhorte dans le dernier poème: « dors du sommeil vert d’où un jour tout revient ». Pierres et berceaux, des masses pleines (« ceci est la réalité »), et des creux prêts à accueillir ce qui sera, sont reliés par la conjonction de coordination mais aussi par l’allitération. Dans le poème éponyme du titre elle en appelle au lecteur: « Suis-je seule à m’agiter / enfermée, vociférant / dans le corps irréel du poème? ». L’écriture interroge son rapport au réel mais quand elle « plante des mots pour pousser », les pierres sont « prêtes à exploser ».

Musique Magali Robergeau & Gérald Méreuze,
lecture & mise en son: Jacques Vincent.