
« L’écorce terrestre », éditions Le Castor Astral, 2018
Jean-Pierre Chambon, né en 1953, publie essentiellement de la poésie. Son recueil « Le roi errant » lui vaut en 1996 le prix Yvan Goll de la poésie francophone. Il co-dirige la revue de poésie Voix d’encre.
Huit textes composent le recueil qui engagent tous l’œil, le sens de la vue. Le monde et ses phénomènes sont passés obstinément au crible du regard de l’écriture, l’œil d’un cyclope qui voudrait pénétrer toute matière, en défier la résistance : Ces visions au bord de l’évanouissement / attestent d’une lutte avec l’ange de la présence. Le regard creuse toute chose autant que ce qui s’écrit : c’est encore trop dire, approcher avec des images trop fermes ce qui échappe à tout contact. Exploration d’un champ de tournesol, d’une forêt incendiée ou d’une friche, industrielle, objets abandonnées, débris, poussières, ainsi entre-t-on dans les lieux du poèmes par l’humide et le sec. On y touche des matières qui transsudent, se dessèchent, brunissent, noircissent, s’altèrent, muent en s’extrayant de peaux successives. Même la pierre se délite sous l’effet de la répétition de son nom. De la vue à la vision, les choses se détachent de leur état et s’animent d’intentions et de gestes : … des méduses aux visages d’enfants viennent se nourrir du lait de la lumière … .
Dans cette écriture dont les mots désignent aussi bien les états et transformations des matières qui nous constituent, se lit l’ardent désir de connaître en se fondant dans l’objet de connaissance.
Jacques Vincent
« La poussière du silence », extrait de « L’écorce terrestre », publié avec l’aimable autorisation de l’auteur. Contrebasse: Gérald Méreuze, lecture: Jacques Vincent.