Yves Elléouët

Éditions Diabase, 2020

Yves Elléouët, mort en 1975, peintre et écrivain fut le gendre d’André Breton.
Quatre-vingt-un poèmes issus de quatre recueils épuisés aujourd’hui, quelques inédits et quelques lettres issues d’une correspondance avec André Breton habitent ce pays de lointaine mémoire.
Comme fragment prélevé de la terre même où « une odeur vague et complexe règne dans la pénombre », chaque poème est une fenêtre ouverte sur un territoire extérieur autant qu’intérieur.
« cette cabane qui sent l’aigre / et la ferraille / cette cabane déglinguée / avec ces foutus vieux sacs »
Les rugosités, les senteurs, les couleurs, les images de cette province armoricaine s’y déploient dans une lumière d’aube ou de crépuscule où s’infiltre parfois une mélancolique inquiétude.
 » Mais derrière la fenêtre / une femme regarde toujours la rue / d’un œil vide « 

Publié avec l’aimable autorisation de l’éditeur. Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze, lecture & mise en son: Jacques Vincent.

Étienne Paulin

À part leurs titres, rien n’est capital dans ces poèmes qui émergent du blanc comme des respirations. Une pudeur les habite. Ce sont, comme l’indique le titre de celui de la page 39 « des mots sans bruit »:  
 » je ne sais pas ce qu’on y faisait / je me souviens des carrelages // et de l’odeur — ah non / déjà j’invente // pourquoi ce lieu / continue tant // je me souviens des carrelages ».
Minuscules fragments de mémoire, errances dans un espace d’autrefois, les questions mélancoliques annoncées dès le premier poème « sans réponse » (« mon enfance est retenue / dans une espèce de verrière ») se répandent avec douceur (« salve triste », « temps perdu », « mots tombant »,…). Questionnent aussi les vifs surgissements du présent (« j’aime les bruits qu’on entend / très haut dans la ville / si loin qu’on se demande ») qui témoignent d’une disponibilité du poème à l’instant. Disponibilité et vivacité que portent la brièveté (« pas le temps d’une phrase: alors le poème »): une manière certaine de prendre distance avec le malheur. « deux colibris / ont tout vu // et pépient comme si rien »

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur. Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze, lecture & mise en son: Jacques Vincent.

Françoise Louise Demorgny

« Pointillés », éditions Isabelle Sauvage, 2019.
Ces pointillés qui conduisent l’ouvrage invitent à de multiples lectures. Il peut être considéré comme recueil de poèmes en prose, chacun désigné par un mot sans pronom posé comme un point en tête de page. On peut aussi faire défiler les incipit qui surmontent chaque paragraphe, les reliant comme un long poème. Le livre est cependant construit en continuum, une avancée erratique néanmoins conduite par la ténacité d’une enquêtrice qui s’appuie sur des extraits de journaux intimes, bribes de paroles et d’instants remémorés, documents officiels et qui cheminent vers « ces morts, les miens qu’à force de vouloir je ranime / que je dérange dans leur paix éternelle ». On y croise, parmi les membres d’une famille, une tante Pierrette, ses clartés, ses obscurités, l’absence de son fils Roland et le fantôme de Rimbaud qui, comme l’auteur est issu des Ardennes, ce massif que traversent les pointillés d’une frontière. Rimbaud qui sur ses manuscrits, « …use de points de suspension » dont « chacun restitue un geste, un élan, une rage, une retenue, rend un souffle, une humeur oubliée et parle ». Flottantes et discrètes, les paroles de nombreux poètes ponctuent une écriture tout en suspensions où l’air circule si bien entre les lignes, entre les mots.
« il reste aux mots comme aux fougères cette beauté
de feu follet leurs architectures légères » 

Enregistrement publié avec les aimables autorisations de l’auteur et de l’éditeur. Musique: Magali Robergeau & Gérald Méreuze.
Lecture et mise en son: Jacques Vincent.